Pour conquérir une sixième Coupe du Monde, le Brésil a choisi de renier ses principes. Avec Dunga, le beau jeu n'est plus à l'ordre du jour, seul le résultat compte. Cette tactique va-t-elle s'avérer gagnante en Afrique du Sud ?
Brésil 2010 comme Brésil 1994 ?
Amateurs d'envolées lyriques, passez votre chemin. Brésil ne rime plus avec football panache et fantaisie. Aujourd'hui, c'est plutôt ennui total. La Seleçao n'est plus là pour faire le spectacle et amuser la galerie. Ce qui importe désormais, c'est la gagne, coûte que coûte. Peu importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse en quelques sortes. «Le foot brésilien, admiré dans le monde entier pour ses gestes techniques, son jeu de passe et son pressing offensif, n'est plus qu'un lointain souvenir», déclarait d'ailleurs, avec une certaine amertume, l'ancien attaquant Tostao lors des éliminatoires. L'homme à l'origine de cette mutation, voire de cette révolution, n'est autre que Dunga.
L'ancien capitaine du Brésil champion du monde en 1994 a façonné une équipe à son image. Dunga n'était pas un génie du ballon rond, ni un poète sur le terrain. Mais il avait cette rage de vaincre, cette discipline et ce sens du collectif qui en faisait un élément incontournable de la Seleçao dans les années 90. En 1994, sous la houlette de Carlos Alberto Parreira, le Brésil avait redoré son blason après 24 années de disette en décrochant une 4e étoile. En pratiquant un football sans saveur, défensif, à des années lumière de celui pratiqué par les illustres Pelé, Garrincha et autres Jerzinho. C'est bien connu, c'est dans les vieux pots que l'on fait les meilleures soupes. Dunga a donc choisi, dès sa nomination il y a quatre ans, de marcher dans les pas de son prédécesseur.
Une stratégie payante jusque-là
Rigueur, physique et efficacité sont devenus les maîtres mots. Le Brésil, ce n'est plus une addition d'individualités désireuses de faire le show, c'est désormais un groupe s'appuyant sur un socle défensif ultrasolide et sur un jeu basé exclusivement sur les contres. Au pays du football samba, cette tactique frileuse a évidemment fait des vagues. Les critiques ont fusé de toutes parts. Notamment après l'échec cuisant des JO de Pékin en 2008 avec une humiliation subie contre l'Argentine en demi-finales (0-3). A cette époque, le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva en personne était monté au créneau en parlant de véritable honte ! Oui mais voilà, hormis ce couac, difficile de donner tort à Dunga. «Ma stratégie prudente a été payante depuis le début», martelait-il lors de l'annonce de sa liste de joueurs pour la Coupe du Monde 2010. Le Brésil pratique il est vrai un football laborieux, mais il s'avère terriblement efficace. Les titres glanés lors de la Copa America 2007, de la Coupe des Confédérations 2009 et le parcours sans faute lors des éliminatoires du Mondial sont autant d'atouts maîtres dans la manche de Dunga.
Où sont les artistes ?
Pourquoi changer de style maintenant ? Pour plaire au plus grand nombre ? Le sélectionneur brésilien n'est pas là pour ça. Les résultats aidant à mieux faire passer la pilule, il s'est même permis, au grand dam de bons nombres de ses compatriotes, de laisser à la maison des artistes tels que Ronaldinho, Diego, Pato ou encore Adriano, pour laisser la place à des milieux plus besogneux, moins flamboyant (Josué, Ramires, Kleberson, Elano, Felipe Melo, Gilberto Silva) et à des attaquants plus réalistes et travailleurs que fantasques (Luis Fabiano, Nilmar, Grafite). Robinho et Kaka font ainsi figure d'exceptions dans cette liste homogène à défaut d'être clinquante. Dans cette sélection plus sécurisante que séduisante avec des disciples ayant parfaitement retenu leur leçon : «Qu'on joue bien ou mal, l'important c'est d'arriver en finale le 11 juillet et de soulever ce trophée que nous attendons tant. Je veux être champion, peu importe la manière», a ainsi déclaré Maicon en conférence de presse. «S'il faut jouer sale pour gagner, nous le ferons, ce qui compte en Coupe du Monde, c'est gagner», a ajouté Luis Fabiano. En cas d'échec en revanche, pas sûr que la méthode Dunga fasse de vieux os...